« Sous le ciel de la Drôme, il est une vallée qui fuit du nord au sud entre mille coteaux, que de tous ses trésors le printemps a comblée, et qui s’en tient paisible au murmure des eaux. D’un côté, dominant ses campagnes fleuries, des rochers étendus comme des draperies, sur la forêt de Saoû prolongent leurs plis noirs. Au Roubion paresseux ils servent de ceinture ; et le soleil couchant, de leur vaste ouverture fait une agrafe d’or qui brille tous les soirs.

Plus loin sur l’un des flancs de la verte corbeille Roche-Courbe et Couspeau, qui s’écartent soudain, semblent un pan de mur renversé de la veille. Une entaille au cimier d’un noble paladin. En face, est de Bourdeaux le sombre amphithéâtre ; là le cri des métiers et le fifre du pâtre se mêlent vers le soir au chant du rossignol ; il aime la colline au sommet de laquelle du château féodal monte encor la tourelle, comme un oiseau tremblant prêt à prendre son vol… » (Alexis Muston, La Légende d’Alberte de Poitiers).

Ce poème médiéval, aujourd’hui légende du village de Bourdeaux a été écrit par le théologien, médecin, historien, poète, naturaliste et linguiste Alexis MUSTON. Cet homme originaire du Piémont qui avait, en plus de tout cela, des capacités remarquables de dessinateur et de peintre, est considéré comme un des pasteurs du Dauphiné les plus connus du XIXe siècle.

En tant que pasteur pendant 51 ans dans le « Pays de Bourdeaux », Alexis MUSTON n’a pas seulement accompagné spirituellement la communauté protestante du canton, il a aussi contribué à la création des écoles et au développement de la médecine dans le territoire. Durant cette période, d’une manière prodigieuse, MUSTON a également rédigé un grand nombre de textes scientifiques et littéraires.

Dans la légende d’Alberte de Poitiers, la fille du seigneur de Bourdeaux, Alberte était amoureuse d’Alfrédis, chevalier de Mornans. Mais il s’avérait que Hérald de Bézaudin, fils d’une famille rivale, était, lui aussi, amoureux d’Alberte. Le jour de leurs noces, Hérald se lança dans un duel mortel contre Alfrédis pour gagner le cœur d’Alberte. « Au-dessous de Vial se déroule une plaine que Bourdeaux aujourd’hui couvre presque en entier, et que pour cette fête élut la châtelaine comme étant sur le seuil de son noble moutier ; on y dressa le camp. De riches draperies, des tentures de pourpres autour des galeries où les dames devaient abriter leurs regards, s’arrondirent partout comme autant de gondoles ; et sur chaque avois, ornés de girandoles, s’élevèrent dans l’air deux faisceaux d’étendards… » (Alexis Muston, La Légende d’Alberte de Poitiers).

Le tournoi se transforma en bataille rangée et les deux familles s’entre-tuèrent. La légende dit que le sang coula jusqu’au ruisseau du Roubion qui tiendrait son nom de ces flots rougeâtres. « Un village aujourd’hui paisiblement s’élève dans le champ des tournois oubliés sans retour ; de la chevalerie il entretient le rêve sous les toits de Bourdeaux qui s’ouvrent à l’entour. Le château des Poitiers n’est plus qu’une masure qui les dominent encore de sa lourde structure, et défie orgueilleux, les derniers coups du sort. Sur le tombeau d’Alberte on voit une fontaine qui semble nuit et jour murmurer de sa peine, et raconte en pleurant l’histoire de sa mort. » (Alexis Muston, La Légende d’Alberte de Poitiers).

Chaque année, grâce à la fête médiévale organisée par le comité du 15 août, Bourdeaux se laisse emporter par les murmures de cette légende. À travers la musique, les jeux, les costumes d’époque et un défilé aux flambeaux le soir, les rues du village s’illuminent et le vieux bourg comme les ruines des châteaux se réveillent de leur endormissement. « On dit qu’au sein des nuits l’ombre des chevaliers qui restèrent coucher sous ces tristes rivages se lèvent, agitant leurs pâles boucliers. Et comme s’ils devaient continuer la fête, du tertre féodal, ils gravissent le faîte, escortant pour l’hymen les malheureux amants. On les voit en zigzag monter ses pentes noires, et jusque au castel témoin de ces histoires les conduire en triomphe et bénir leurs serments. » (Alexis Muston, La Légende d’Alberte de Poitiers).

La Fête du 15 août

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